Fin de crise sanitaire


Chères Consœurs, Chers Confrères,

L’état d’urgence sanitaire a donc pris fin. Le pays, en dehors de la Guyane et de Mayotte, est depuis le 10 juillet 2020 en situation de fin d’une crise sanitaire qui aura été appliquée 16 semaines sur l’ensemble du territoire national.

Qu’en est-il des mesures gouvernementales ?

- Malgré la prise en compte de la fin de la crise sanitaire, il reste une période de quatre mois allant au 30 octobre 2020 durant laquelle le Premier Ministre est autorisé à prendre toute mesure nécessaire au regard de l’évolution de l’épidémie.


Il peut ainsi règlementer par décret :


• La circulation des personnes et des véhicules et l’accès aux transports collectifs (port du masque...) ;
• L’ouverture des établissements recevant du public tels les restaurants, les cinémas et des lieux de réunion (mesures barrière...) ;
• Les rassemblements et les réunions sur la voie publique et dans les lieux publics.
• Il peut également imposer un test virologique aux personnes qui voyagent en avion entre la métropole et les départements d'outre-mer et entre les départements d'outre-mer. Les passagers en provenance d’une collectivité d’outre-mer où ne circule pas le virus en sont dispensés.


Depuis le 11 juillet 2020, les autres dispositions de l’état d’urgence sanitaire cessent mais en cas de résurgence forte de l’épidémie, le gouvernement peut toujours déclarer l'état d'urgence sanitaire dans d'autres territoires que la Guyane et Mayotte, et ce jusqu'au 1er avril 2021, même si un confinement généralisé de toute la population ne peut plus être ordonné.


- Les Préfets peuvent être amenés à prendre des mesures d’application au sein de leur territoire en allégeant les mesures nationales si les circonstances locales le permettent ou, à l'inverse, en les renforçant en cas d'apparition de clusters. Ils peuvent également fermer, au cas par cas, des établissements ne respectant pas les mesures barrières et les règles d’accès fixées par décret.


- Toutefois, comme durant l'état d'urgence sanitaire, le Parlement est informé sans délai des mesures prises par le gouvernement et peut demander toute information complémentaire afin de les contrôler et de les évaluer, toutes ces mesures pouvant faire l'objet d'un référé devant le juge administratif.


- Par ailleurs, sur amendement des députés, le Conseil scientifique est maintenu pendant ce régime transitoire.

Qu’en est-il de la surveillance épidémique ?

- Les tests de dépistage du COVID-19 sont prioritairement réservés aux personnes présentant un risque de contamination élevé qui doivent pouvoir bénéficier rapidement d’un test virologique (RT-PCR) afin de lutter contre la propagation du virus. Il s’agit des :


• Personnes présentant des symptômes du COVID-19 (symptômes confirmés par un avis médical),
• Personnes identifiées comme ayant été en contact à risque élevé avec une personne contaminée,
• Résidents des structures d’hébergement collectif (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), établissements pénitentiaires…) et personnels exerçant dans ces structures (en cas de cas confirmés au sein de la structure).

- la HAS préconise de rester prudent dans l’utilisation des tests sérologiques et les recommande pour les enquêtes épidémiologiques, les diagnostics de rattrapage et la prévention de la circulation du virus dans les structures d’hébergement collectif : « Si la plupart des individus développerait une réponse immunitaire objectivable par la production d’anticorps dirigés contre le virus, les tests sérologiques ne permettent pas de statuer si la personne est contagieuse ou pas et la présence d’anticorps n’est pas synonyme de protection immunitaire (= immunité). La survenue de réinfection ou de réactivation du virus n’est donc pas à exclure, comme c’est le cas pour d’autres coronavirus. Si le risque de développer des formes graves en cas de réinfection serait très faible, une personne présentant des anticorps serait susceptible de se réinfecter et donc de contaminer son entourage. Par conséquent, à ce jour, les tests sérologiques auraient une place dans la surveillance épidémiologique, dans l’identification des personnes étant ou ayant été en contact avec le virus (en complément de la RT-PCR qui reste le test de première intention pour le diagnostic de la phase aiguë du COVID-19) mais pas pour identifier les personnes potentiellement protégées contre le virus ».


Sachez que si la loi a permis d’allonger la durée de conservation des données collectées dans le cadre des systèmes d’information instaurés pour lutter contre l’épidémie, à l'exclusion de «Stop COVID», ces données :


- peuvent être conservées pendant six mois maximum depuis le 10 juillet, au lieu des trois mois prévus initialement à l'issue de leur collecte,
- doivent être limitées à la seule finalité de surveillance épidémiologique et de recherche sur le virus,
doivent être justifiées pour chaque type de données, après avis public de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) et du Comité de contrôle et de liaison covid-19 mis en place en mai dernier.


Depuis le 11 juillet 2020, la réalisation de tests sérologiques rapides d’orientation diagnostique (TROD) à partir d’une goutte de sang est autorisée en officine et dans les cabinets médicaux. Ce déploiement en officine inquiète fortement la communauté médicale dans la mesure où :

- Il se réalisera hors du parcours de soins, éloignant les patients d’une prise en charge adaptée alors que l’accès au dépistage ne pose aucun problème en France, l’organisation et les ressources matérielles et humaines existantes permettant de les réaliser en quantité suffisante pour faire face aux besoins individuels et de santé publique.

- Il sera d’interprétation délicate, risquant de rassurer faussement les patients négatifs et de faire croire au patient positif qu’il est immunisé, la HAS soulignant que leur résultat (positif ou négatif) ne permettra pas de se dispenser d’un test sérologique « conventionnel » de confirmation.

- Il ne permettra pas de recueillir les résultats à visée épidémiologique et statistique comme le font aujourd’hui les sérologies faites en laboratoire, soumises à l’inscription obligatoire du système d’information national SI-DEP.

- Un dispositif de dépistage ciblé au sein de certains territoires a été annoncé par le Ministre des Solidarités et de la Santé le 25 juin 2020, visant à prévenir l’émergence de nouveaux foyers d’épidémie et à identifier d’éventuels clusters dormants.


En Seine et Marne, ce dépistage, porté par l’ARS et la CPAM, propose un test virologique RT-PCR et sérologique à toute personne de plus de dix ans, sur la base du volontariat, dont les résultats seront adressés aux médecins traitants, lorsqu’ils sont identifiés, afin qu’ils accompagnent le patient en cas de positivité. En cas d’absence de médecin traitant, les patients seront orientés, avec l’aide de l’Assurance Maladie, vers un médecin qui pourra les prendre en charge.


Cette politique de dépistage massif a été mise en place par l‘ARS IDF sur 32 communes dont 2 se situent dans notre département : Melun et Montereau. Des bons ont donc été envoyés à tous les habitants de ces villes afin qu’ils aillent se faire dépister gratuitement auprès de n’importe quel laboratoire. Il n’y a pas de conditions de lieu (dépistage hors 77 est possible) ni de durée pour les effectuer. Les résultats seront envoyés aux médecins traitants qui n’ont donc pas besoin de faire les ordonnances utiles à ce dépistage choisi.
 

Qu’en est-il de l’épidémie et des recommandations liées à nos exercices ?


En Seine et Marne, les données chiffrées par L’ARS 77 le jeudi 9 juillet 2020 sont rassurantes :


- Le taux d’occupation des lits reste légèrement supérieur à 50 % en raison de la diminution du nombre global de lits dédiés à la prise en charge des patients COVID-19 .

- Le taux d’admission à l’hôpital stagne et en EHPAD, il n’existe plus de situation complexe mais seulement quelques cas ponctuels de patients COVID-19.

- Selon les données SI-DEP, l’incidence et le taux de positivité étaient fin juin en Seine et Marne inférieurs à celle de l’Ile de France.

- Le tracing effectué par la CPAM 77 retrouve cette activité virale modeste, bien loin des chiffres attendus lors de la mise en place de l’application « contact COVID ». Moins de dix établissements scolaires avaient été touchés et les clusters hospitaliers étaient maitrisés.


Tous ces paramètres confirment bien la faible circulation du virus qui cependant n’est pas nulle, et n’excluent pas une reprise de l’épidémie nécessitant la vigilance de tous et le respect indispensable des gestes barrières.


En effet, après l’accalmie attendue en post confinement du nombre de nouveaux cas avérés de COVID-19, un frémissement lui aussi attendu se fait sentir depuis quelques jours un peu partout dans le monde et dans certaines régions de France. On voit bien dans nos cabinets que les syndromes infectieux réapparaissent et cela nécessite la prescription de tests de dépistage afin de pouvoir prendre en charge rapidement tout nouveau patient et ses contacts et maintenir cette surveillance épidémique d’un virus qui restera présent et dangereux jusqu’à l’apparition d’un vaccin.
 

Pour autant, les professionnels de santé devront s’abstenir :


- De rédiger des prescriptions donnant lieu à remboursement de tests à visée systématique demandés par les employeurs, le tourisme hors de nos frontières ou autres demandes hors recommandations.
- De rédiger tout certificat de non contamination que ce soit pour reprendre le travail, une activité sportive, faire une cure…
- De rédiger les certificats de confinement pour les personnes vivant avec une personne vulnérable, cette mesure n’existant plus.

- De rédiger les certificats d’isolement pour personnes à risques au-delà du 31 juillet 2020. En effet, cette mesure prenant fin, comme le chômage partiel, le travail en présentiel sera la priorité au 1er Aout 2020, les employeurs ayant, depuis le déconfinement, l’obligation de mettre en place les mesures et de faire respecter les gestes barrières. L’inspection du travail a d’ailleurs déjà imposé des contrôles inopinés dans certaines entreprises.


 

Que peut-on retenir de cette crise sanitaire ?


L’Institution ordinale, présente au Ségur de la santé et représentée par un conseiller national dans chacun des piliers de réflexion, a porté la parole ordinale au cœur de débats importants dont les résultats seront bientôt annoncés par le Ministre de la Santé, même si certaines décisions concernant le financement, le recrutement et l’organisation de travail du secteur hospitalier ont été déjà largement dévoilées. Le Conseil national de l'Ordre des Médecins reste donc vigilant vis-à-vis de cette réforme de santé fortement attendue dans laquelle la médecine libérale semble avoir été oubliée et le résultat semble, à ce jour, décevant.


Le Président du Conseil national de l'Ordre des Médecins a été entendu par la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale et il n'a pas manqué, entre autres, de rapporter le vécu et les difficultés rencontrées par les professionnels de santé en matière de matériels de protection pour les soignés et les soignants. L’Ordre attend les conclusions de cette enquête comme chacun d’entre nous.


La forte mobilisation des professionnels de santé a toutefois été reconnue et honorée par le Président de la République lors de la cérémonie du 14 juillet 2020 où ont été invités et remerciés les représentants de l’ensemble des acteurs de la santé dont Patrick Bouet, Président du CNOM.


Votre Ordre départemental a également été invité à la cérémonie organisée le 14 juillet 2020 par le Préfet de Seine et Marne et le Président du Conseil départemental de Seine et Marne.


Je tiens ici à féliciter personnellement tous les médecins, qu’ils soient hospitaliers, libéraux, salariés, retraités, internes et chacun dans son exercice particulier, d’avoir fait honneur à la profession en s’impliquant avec une telle force et une incroyable volonté dans la gestion de cette épidémie. Vous avez dû travailler malgré le manque de moyen, malgré les difficultés d’avoir à se conformer aux recommandations nombreuses et changeantes qui ont chaque jour ponctuées votre exercice et aux dépens de votre santé.

Je souhaite rendre ici hommage à l'ensemble des soignants qui ont donné leur vie dans ce combat.


En effet, la forte mobilisation des professionnels de santé de notre département a été nettement perçue avec la création notamment de centres dédiés au COVID-19 par des équipes pluridisciplinaires de professionnels libéraux, par l'ensemble des CPTS et par chacun des professionnels dans leur lieu d'exercice. Mais il y a eu aussi l’intensification des coopérations établissements privés et publics, ville-hôpital, SAMU-DAC, DAC-MSP ou DAC-CPTS, le tout étant porté par une communication intensive et innovante (conf call, conférence Youtube, visioconférence) tissant des liens nouveaux qu’il nous faut dorénavant entretenir.


C’est ainsi qu’il existe aujourd’hui un large consensus de tous les acteurs, dont le Conseil départemental de Seine et Marne, pour organiser, formaliser et faire vivre des organisations professionnelles territoriales adaptées aux besoins de la gestion des pathologies COVID-19 et hors Covid, afin de rendre plus fluide le parcours médical et médicosocial des patients sur notre vaste territoire.


Il est prévu, en partenariat avec l’ARS, le SAMU, les centres hospitaliers, les DAC, des représentants de CPTS et MSP, de mettre dès que possible en place un parcours de soins répondant aux besoins spécifiques de chaque sous territoire de notre vaste département et, pour cela, de rencontrer l’ensemble des professionnels exerçant dans chacun de ces sous territoires préalablement définis afin d’obtenir une concertation commune au seul bénéfice du soin apporté à la population.


Réfléchissons donc ensemble à cet avenir dont la Seine et Marne a besoin, tant pour sa population que pour ses soignants, même si aujourd’hui, ces derniers doivent avant tout se reposer d’une période difficile qui n’a pas été sans incidence sur l’énergie et le moral de chacun.


Je vous souhaite donc, Chères Consœurs, Chers Confrères, de prendre un repos bien mérité et de profiter de moments apaisés avant la reprise de chacun de vos exercices où la vigilance devra rester le maitre mot et la communication devra, avec la concertation, devenir une habitude.

Veuillez recevoir, Chères Consœurs, Chers Confrères, l’expression de mes salutations les plus confraternelles.



 

Docteur Claire SIRET
Président du Conseil départemental de Seine et Marne
de l'Ordre des médecins